Pleins feux sur Jocelyn Kervin :
à 46 ans, elle redonne au suivant et met du soleil dans la vie de ceux qu’elle côtoie
Avril 2022
À l’automne 2017, la vie s’annonçait bien! Célibataire, j’étais alors âgée de 41 ans et je profitais pleinement de la vie à Toronto. Je venais de m’initier à la course à pied, et avais décroché un poste de rêve à titre de consultante spécialisée en alphabétisation numérique au York Region District School Board (YRDSB), après une carrière de 18 ans comme enseignante de musique.
 
En mars 2018, je combattais une fatigue invalidante et des douleurs persistantes au dos et aux épaules qui commençaient à avoir un impact sur mon quotidien. J’attribuais ces problèmes de santé aux exigences de mon nouvel emploi, au plus long trajet pour me rendre au travail et à la pression accrue.
Jocelyn Kervin
Je m’entraînais dans un nouveau centre de conditionnement physique, je soulevais des poids lourds, et je passais de plus longues périodes assise devant un ordinateur ou dans ma voiture pour faire le trajet au bureau. Mon état s’aggravait, puis en avril 2018 alors que j’assistais à une conférence, j’ai ressenti quelque chose d’anormal dans le milieu de mon dos alors que je déposais une caisse de documents dans le coffre-arrière de ma voiture. À mon arrivée à la maison, j’ai cru que j’avais subi une rupture de la coiffe des rotateurs, et j’ai débuté des traitements de physiothérapie. Comme la douleur semblait s’atténuer, mon physiothérapeute et moi pensions que nous étions sur la bonne voie. Je n’ai pas fait de radiographie et ce n’était malheureusement pas la première fois que je commettais une erreur du genre dans mon parcours avec la maladie!

Des maux et des douleurs aléatoires aux côtes, aux épaules, et au dos continuaient de m’affliger. Chose curieuse, ils ne se manifestaient jamais au même endroit. J’ai essayé la massothérapie, l’acuponcture, la physiothérapie, et j’ai même fait quelques visites chez un chiropraticien. CE choix a été une très mauvaise décision! Tout semblait s’expliquer, et comme la douleur semblait se manifester, puis s’apaiser, je me disais que ce n’était sûrement pas très grave. Si j’avais un conseil à vous donner, ça serait de ne jamais minimiser les douleurs inhabituelles et la fatigue inexpliquée. Faites confiance à votre instinct.
Course de 5 km de la Saint-Patrick avec mon frère
Dave en mars 2018.
J’ai finalement décidé de prendre rendez-vous avec mon médecin traitant depuis près de 17 ans à l’époque.

Malheureusement, mes inquiétudes n’ont pas été prises au sérieux. On a tout de même recommandé une échographie en octobre. Immédiatement après l’échographie, le technicien a communiqué avec mon médecin pour demander une radiographie. Au moment de recevoir les résultats, mon médecin m’a informé qu’on avait détecté une « petite » opacité dans la région de mon omoplate droite (2 cm) et qu’une IRM était nécessaire.
J’ai expliqué à mon médecin que la douleur ne se limitait plus qu’à mon épaule, mais il n’a pas pris la situation au sérieux mentionnant tout simplement qu’il songerait à me référer à un médecin spécialiste des épaules. Je n’ai subi aucun autre test. Mon dossier n’a jamais été transféré à un spécialiste, et l’IRM n’était prévue que pour mars 2019. En janvier 2019, alors que je m’étirais pour atteindre un objet, je fais un petit mouvement latéral, et j’ai entendu (et ressenti!) une côte craquer. La douleur était insoutenable, je me suis rendue dans une clinique sans rendez-vous et j’ai passé une radiographie le lendemain.
 
Ce qui s’est passé ensuite m’a sauvé la vie. J’ai reçu un appel de la clinique sans rendez-vous, et j’ai rencontré un jeune médecin qui venait probablement à peine de recevoir son diplôme. Il a été formidable et est la raison pour laquelle je suis encore ici aujourd’hui. Il a écouté attentivement ce que j’avais à dire, je lui ai expliqué que je m’étais fracturé une côte, et il a recommandé des analyses sanguines précises ainsi qu’une scintigraphie osseuse du corps entier.
Ce même weekend, j’avais des billets pour assister à un opéra avec mon oncle. J’ai partagé avec lui quelques détails au sujet de mon état de santé, sans trop en dire puisque je ne voulais pas qu’il s’inquiète. Je n’avais pas encore assimilé pleinement ce que mon état pouvait signifier et je voulais simplement profiter de la soirée.
Tout s’est passé très rapidement après cela. Au moment de passer la scintigraphie au début de février, j’avais mal partout…les côtes, le dos, les épaules, le bassin...j’avais l’impression d’avoir 100 ans!

J’ai reçu un appel du bureau du médecin 48 heures plus tard, et pour la première fois, j’ai eu peur. Les professionnels de la santé chargés de mon dossier semblaient très préoccupés et accéléraient le processus. Manifestement, ils savaient des choses que j’ignorais.
 
J’ai rencontré le Dr Choi, médecin en chef à la clinique sans rendez-vous. Le Dr Choi est l’un des médecins de famille les plus formidables que j’ai rencontrés.
Une nuit à l'opéra avec mon oncle Bill en octobre 2019.
Le jour où nous nous sommes rencontrés pour qu’il puisse m’informer des résultats de mes examens, il s’est assuré que je sois sa dernière patiente de la journée. La scintigraphie a révélé des blessures et/ou lésions (je ne savais pas ce qu’étaient des lésions) à 9 côtes, 11 vertèbres, au sacrum, au sternum, à l’omoplate droite, au côté droit du bassin, aux hanches… En termes simples, lors de la scintigraphie, le haut de mon corps s’était « illuminé comme un arbre de Noël! » C’est à ce moment que j’ai entendu pour la toute première fois les mots ‘myélome multiple’. Le Dr Choi ne voulait rien confirmer avant de me faire passer d’autres tests et d’obtenir l’opinion de spécialistes. J’ai passé, d’urgence, un tomodensitogramme à l’Hôpital général de North York, et encore une fois, les résultats ont été obtenus très rapidement.

Lors de ce suivi, le Dr Choi a répondu à toutes mes questions puis il m’a dit « Si tu étais ma sœur, voici ce que je te suggèrerais de faire. » Il m’a remis une copie de mes résultats d’examen et d’analyse et a préparé une note détaillée à remettre au personnel infirmier à l’accueil du service des urgences. Il m’a demandé de me présenter au service des urgences de l’Hôpital général de Toronto à 8 h le lendemain, ce que j’ai fait. Les choses se passaient en un temps record.
 
Je me sens privilégiée de vivre à Toronto et d’avoir accès à tous ces services. J’ai eu la chance d’avoir un jeune médecin qui a su faire les liens nécessaires et je suis reconnaissante pour l’équipe MCI The Doctor’s Office qui a pris les choses très au sérieux. Cependant, nous ne devrions pas avoir à compter sur la « chance » lorsque vient le temps d’un diagnostic de myélome multiple.
J’ai annoncé la nouvelle à mes collèges et fait des arrangements pour prendre un congé. Je me suis rendue à Peterborough avec mon oncle et ma tante pour annoncer la nouvelle à mes parents qui revenaient de voyage. Il fut difficile de leur annoncer la nouvelle, mais je suis contente d’avoir attendu. Comme ils étaient mes principaux proches aidants, des mois se sont écoulés avant qu’ils ne puissent prendre une autre pause.
 
Le 21 février, j’ai reçu l’appel de l’interniste pour m’annoncer que j’étais atteinte d’un myélome multiple. Effrayée, mais tout de même déterminée, je me suis mise en mode planification comme j’avais l’habitude de le faire comme enseignante, afin d’établir la prochaine étape à franchir.
Mon incroyable frère et moi lors de mon premier jour de chimio en février 2019.
J’ai rencontré la Dre Trudel au Centre du cancer Princess Margaret (PMH) le 26 février. Elle était formidable, patiente, directe, pleine de compassion, et d’un grand soutien. J’avais le sentiment d’être entre bonnes mains.

Nous avons commencé par une pharmacothérapie à base de CyBorD et Velcade dès le lendemain. Des examens supplémentaires ont confirmé que je présentais les indicateurs d’un myélome à risque élevé et qu’on devait envisager une double greffe.
Dans les mois qui ont suivi, j’ai subi de nombreux traitements, plusieurs chirurgies (deux cyphoplasties, vertébroplasties, et une sacroplastie pour corriger les dommages causés à ma colonne vertébrale et mon sacrum), et je me suis préparée à la greffe de cellules souches. Ma famille et mes amis me préparaient des repas, m’apportaient des cadeaux, venaient me visiter pour jouer à des jeux de société, cuisiner ou faire le ménage de mon appartement. Je suis très reconnaissante envers ce précieux réseau de soutien.
Durant mon séjour à PMH, je faisais tout ce que je pouvais pour égayer mes journées et faire sourire les gens autour de moi; que ce soit en jouant à des jeux avec d’autres patients pendant les traitements de chimiothérapie, en réalisant des projets de broderie au point de croix, ou en portant des boucles d’oreille scintillantes, des leggins colorés, et un chapeau ou fichu de tête aux couleurs vives (puisque je commençais à perdre mes cheveux)!

Au début de mon parcours avec la maladie, j’ai effectué des recherches en ligne pour en savoir plus. C’est comme ça que j’ai découvert Myélome Canada. J’ai assisté à la conférence nationale de l’organisme en 2019 et j’y ai appris plusieurs choses en plus de rencontrer des membres du groupe de soutien Toronto & District. Leur soutien me touche beaucoup; et les membres du groupe font maintenant partie de ma famille élargie.
Je répondais bien aux traitements avec peu d’effets secondaires et en mai, j’étais heureuse de reprendre le travail. Mes collègues ont été formidables, et mon milieu de travail était en quelque sorte mon refuge. Les choses se déroulaient comme prévu.

En août, j’avais rendez-vous pour l’insertion de mon cathéter veineux central en prévision de ma greffe de cellules souches. Cependant, j’ai commis l’erreur d’oublier de cesser la prise de mes anticoagulants avant le rendez-vous. J’étais bouleversée, j’avais l’impression d’avoir laissé tomber plusieurs personnes et que toute cette préparation était perdue. À mon retour à la maison, je suis restée dans ma chambre et j’ai pleuré. Mais l’équipe à PMH m’a aidé à me remettre de mon erreur, le cathéter a été inséré et la première greffe de cellules souches a eu lieu… la partie la plus difficile de mon parcours était déjà commencée.
Le jour de la collecte en juillet 2019.
En septembre, j’ai participé aux Marches Myélome Multiple de Newmarket et de Cobourg et mon équipe Jocelyn’s Joggers y participant toutes les années depuis! J’ai même assisté à un autre opéra avant ma deuxième greffe en octobre; une chirurgie d’un jour puisque j’habite près de l’hôpital.
L'équipe Jocelyn’s Joggers à la Marche de Cobourg 2019 avec mes parents, ma tante et mon oncle.
L'équipe Jocelyn’s Joggers à la Marche de Newmarket en 2019.
L’équipe de soins infirmiers a été exceptionnelle et m’a permis de garder le moral. J’ai tenté de faire de même pour les autres patients. Comme la chimiothérapie en préparation à ma seconde greffe avait lieu le jour de l’Halloween, je me suis déguisée, j’ai distribué des bonbons en compagnie de mon père, j’ai décoré ma table et ma chaise à l’hôpital et j’ai pris des photos absurdes! En décembre, j’ai porté un chapeau de Père Noël puis j’ai sonné la cloche à la fin de mes traitements le 10 décembre en 2019!
Ça n’a pas toujours été facile. Après ma deuxième greffe, ma récupération a été plus lente que prévu, et j’ai vécu plusieurs journées de colère et de frustration. J’ai repris le travail en février, puis la planète entière s’est arrêtée en mars. La pandémie a été une bénédiction pour moi à bien des égards. Les mois qui ont suivi m’ont permis de faire du télétravail, et je n’ai aucun doute que cela a contribué à mon rétablissement.
 
J’appartiens à une tranche d’âge pour laquelle les cas de myélome sont plutôt rares, ce qui complique les choses. Bon nombre des personnes atteintes d’un myélome multiple sont âgées, certaines sont à la retraite et d’autres n’ont pu reprendre leur travail. Leurs proches aidants sont leurs partenaires ou leurs enfants, et non leurs parents qui ont eux-mêmes leurs propres problèmes de santé à gérer. Il existe des groupes de soutien pour les personnes âgées « de moins de 40 ans », mais j’avais 43 ans au moment de mon diagnostic. » Il est parfois difficile de s’identifier à des personnes de mon âge qui ont été confrontées à des ennuis similaires. Cependant, j’ai un réseau de soutien remarquable composé d’amis, de membres de ma famille, de collègues et de travailleurs de la santé. Je consulte un thérapeute, j’explore les pratiques de pleine conscience, et je passe beaucoup de temps avec mon neveu de 19 ans pour pouvoir continuer d’être une ‘super’ tante et enseignante!
Aujourd’hui, je suis en rémission et j’œuvre à mieux faire connaître le myélome. J’ai toujours trouvé très important de m’impliquer.
Je redonne, car je PEUX, et prévois continue de m’impliquer encore longtemps.

Lorsque les réunions de notre groupe de soutien ont dû passer en mode virtuel, j’ai offert mon aide pour les éléments techniques et j’ai partagé mes idées puis, à l’automne 2021, j’ai officiellement rejoint la direction du groupe. D’autres personnes atteintes d’un myélome m’ont inspiré et appuyé tout au long de mon parcours avec la maladie. J’ai discuté, échangé et ri avec des personnes nouvellement diagnostiquées.
Moi avec des membres du groupe de soutien de Northumberland en décembre 2021.
Notre proclamation pour la Journée de la sensibilisation au myélome multiple 2022.
J’ai été invitée à titre de conférencière dans des écoles et groupes communautaires de ma région. Ayant vécu dans de petites communautés, je sais à quel point il est parfois difficile d’accéder à des soutiens médicaux. Ainsi j’utilise les réseaux sociaux pour partager de l’information au sujet du myélome pendant le Mois de la sensibilisation au myélome. En janvier dernier, j’ai commencé à travailler avec Rinat Avitzur et Tanya Zigomanis (membres du Conseil consultatif des patients de Myélome Canada représentant l’Ontario, et membres de notre groupe de soutien) afin que le mois de mars soit reconnu comme le Mois du myélome multiple. J’ai rencontré l’équipe du maire Tory à Toronto, et nous avons réussi à faire reconnaître le 31 mars comme Journée de la sensibilisation au myélome multiple!
J’ai une voix puissante et je n’hésite pas à me faire entendre; je continuerai mes efforts de sensibilisation au myélome, et au besoin d’accroître les tests de dépistage, les mesures préventives, et les traitements équitables.

Mon parcours avec le myélome a connu des hauts et des bas et n’est pas terminé. J’ai encore beaucoup de choses à accomplir. Je vais continuer à faire rire les gens, à porter des bijoux scintillants et à mettre du soleil dans la vie des gens que je côtoie!

Cordialement,
Jocelyn
Portant des chapeaux de Pâques avec mes parents en avril 2019.
Note du rédacteur : Nous espérons que vous apprécierez rencontrer nos étoiles de la rubrique « Pleins feux » en 2022 et les autres membres de la communauté de Myélome Canada. La rubrique « Pleins feux » de notre infolettre « Manchettes Myélome » présente le témoignage et les réflexions de membres de notre communauté, qu’ils soient patients, proches aidants ou professionnels de la santé. Les opinions exprimées et partagées sont celles de la personne qui s’exprime. Nous reconnaissons que le parcours et l’expérience de chacun sont différents. 
 
À vous tous qui avez partagé votre témoignage par le passé, ainsi qu’à ceux qui le font encore aujourd’hui, nous vous sommes reconnaissants… vous êtes une source d’inspiration.  

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Mission de Myélome Canada : Dans le but d’améliorer la qualité de vie des patients et de leurs proches, l’organisme favorise l’engagement communautaire à travers différentes actions de sensibilisation, d’éducation, et de défense des droits, tout en appuyant le développement de la recherche clinique qui mènera à la guérison.