Pleins feux sur Bayo Oladele :

Déstigmatiser le cancer chez les Canadiens noirs

Juin 2023

Bayo Oladele

Je m’appelle Adebayo Oladele, mais mes amis et ma famille m’appellent Bayo. Voilà maintenant près 7 ans que je lutte contre un myélome multiple.

 

J’aimerais vous parler de mon expérience comme patient noir africain atteint d’un cancer, de la série de batailles que j’ai menées contre le cancer, du déluge de traitements que j’ai subi, des idées préconçues que les gens de notre communauté ont encore au sujet du cancer, de l’art de soigner les patients atteints d’un cancer et de l’intervention divine qui m’a sauvé de la mort.

 

Permettez-moi de vous raconter notre histoire. 

Ma femme Yinka, notre fils et moi-même avons immigré au Canada depuis le Nigéria le 30 octobre 2000 et avons élu domicile à Calgary, où nous habitons toujours. Je suis un expert professionnel et certifié en cybersécurité, ainsi qu’un gestionnaire de projet. Bien que je sois titulaire d’une maîtrise en génie électrique, j’ai décidé il y a longtemps de me concentrer sur le génie informatique et la cybersécurité. J’ai été spécialiste en sécurité de l’information pour Canadien Pacifique pendant 11 ans, mais à cause du myélome, je n’ai pas pu reprendre le travail depuis que j’ai reçu mon diagnostic en 2016. 

Comme toutes les personnes atteintes d’un cancer le savent bien, les traitements contre le cancer coûtent très cher. J’ai la chance de travailler pour une formidable entreprise qui offre une bonne assurance médicale. Les principales aides financières depuis le début de mon parcours contre le cancer ont été l’assurance médicale et les prestations d’assurance invalidité de mon employeur, le Centre de cancérologie Tom Baker, les services de santé d'Alberta et nos économies personnelles.

En 2016, alors que j’avais 52 ans, on m’a diagnostiqué

un myélome multiple. 

Je ressentais des douleurs un peu partout depuis un certain temps, en particulier dans le bras gauche. Je pensais que c’était dû au fait que je passais trop de temps assis devant mon ordinateur. Mais au début de 2016, la douleur était devenue si intense que j’ai dû consulter notre médecin de famille pour un bilan de santé. Il a demandé des analyses de sang, m’a prescrit des anti-inflammatoires et m’a dit que la douleur était probablement reliée à de l’inflammation. Après avoir reçu les résultats de mes analyses de sang, mon médecin m’a annoncé que les résultats indiquaient un taux trop élevé de protéines dans le sang.

En février, j’ai donc passé un test de dépistage du cancer. Les résultats se sont révélés négatifs; je n’avais apparemment pas un cancer (colorectal). Mais comme je ne me sentais pas bien, en mars je suis allé, passer d’autres analyses de sang et un examen médical complet. 

Rendu au samedi 26 mars 2016, la douleur s’était propagée à d’autres parties de mon corps. Je ressentais maintenant des douleurs plus aiguës à l’épaule gauche, aux côtes droites et à la hanche gauche. Ce soir-là, je ne pouvais plus supporter la douleur et, vers 2 heures du matin, ma femme Yinka et moi nous sommes rendus à l’urgence du centre médical de Foothills.  

Les pasteurs s’unissent dans la prière, juillet 2016

Nous y sommes restés jusqu’à 17 heures environ, le dimanche de Pâques. Les douleurs s’étaient atténuées grâce aux médicaments palliatifs qu’on m’avait prescrits, mais les médecins n’étaient toujours pas en mesure de définir la cause de mes douleurs. On a préparé les papiers pour mon congé et le médecin m’a dit : « Si les douleurs reviennent, vous savez où nous trouver. »

Alors que nous étions sur le point de partir, l’un des médecins m’a demandé mon âge en plaisantant (alors que c’était inscrit à mon dossier qu’il tenait dans les mains). Je lui ai dit mon âge et il m’a répondu que ce genre de douleurs n’était pas commun pour une personne de mon âge. Il m’a alors suggéré de passer une autre radiographie. 

C’est cette radiographie qui a tout changé. Si je ne l’avais pas passée, je serais rentré chez moi pour continuer à tenter d’apaiser mes douleurs jusqu’à ce qu’il soit probablement trop tard! Je suis éternellement reconnaissant envers ce médecin et, bien sûr, envers Dieu d’avoir incité le médecin à suggérer cette radiographie. C’est l’une des raisons qui fait que je suis encore vivant aujourd’hui. La radiographie a révélé une tumeur qui ne pouvait pas être confirmée. On m’a donc demandé de revenir le lendemain pour une tomodensitométrie complète.

Le 30 mars 2016, nous sommes retournés voir l’oncologue pour connaître le diagnostic, et c’est à ce moment que nous avons appris qu’il s’agissait d’un myélome multiple!


Je me suis immédiatement mis à penser aux conséquences potentielles de cette maladie sur ma vie. 

Le médecin m’a dit : « Vous devez commencer le traitement immédiatement », ce à quoi ma femme a répondu « Non. Nous avons besoin de temps pour comprendre et digérer la nouvelle. Nous devons en discuter avec la famille. Pouvons-nous avoir un deuxième avis? » …sont quelques-unes des questions que Yinka a posées au médecin. « La principale raison de demander un deuxième avis, dans le cas d’un diagnostic de cancer, est de clarifier les choses et de lever les ambiguïtés potentielles. »

Yinka et moi

On m’a prescrit trois médicaments différents en attendant notre décision sur le deuxième avis. Nous avons découvert plus tard qu’il s’agissait de médicaments préparatoires à la chimiothérapie. 


Nous avons finalement décidé de ne pas demander de deuxième avis pour plusieurs raisons : (1) il fut établi que mon cancer se situait entre le stade II et le stade III. Le myélome multiple ne comporte que trois stades et tout retard supplémentaire ne serait pas souhaitable; (2) la plupart des recommandations et conseils de nos amis médecins, dans notre pays et à l’étranger, nous suggéraient de nous fier aux résultats actuels; et (3) la recherche d’un deuxième avis dans notre région aurait été très difficile et coûteuse en raison de la rareté ou du manque d’oncologues et médecins pratiquant dans le privé. Nous aurions eu à nous rendre dans une autre province ou un autre pays. 

Immédiatement après le diagnostic, j’ai commencé un traitement de chimiothérapie. Le premier effet indésirable que j’ai ressenti a été un hoquet incontrôlable qui m’a amené à être hospitalisé pendant 20 jours. Mon corps a subi plusieurs autres changements pendant le traitement, mais le hoquet a été le plus grave.


À la fin du mois d’avril 2016, alors que je suivais encore les traitements de chimiothérapie, j’ai finalement eu mon congé de l’hôpital. Alors que le mois de juillet prenait fin, l’impact du myélome et de mon traitement était intense. J’ai perdu beaucoup de poids, mais le traitement fonctionnait. 

Durant le traitement

Les résultats des analyses ont révélé que les cellules cancéreuses avaient disparu de mon corps et que le taux de protéines s’était normalisé. J’ai continué la chimiothérapie. Au mois d’août, j’ai été placé dans une deuxième phase de chimiothérapie en vue d’une greffe de cellules souches. La procédure fut très difficile et s’accompagnait d’une série d’examens de laboratoire et de tests visant à déterminer le fonctionnement de base de mes organes afin de rétablir le fonctionnement normal de mon corps. C’était comme un processus de sauvegarde et de restauration de données, ou bien l’établissement d’un point de référence des données à restaurer!

Préparation pour l’aphérèse, août 2016

J’ai finalement subi ma greffe de cellules souches en octobre 2016, sept mois après avoir reçu mon diagnostic. Mes propres cellules souches ont été prélevées en septembre dans le cadre d’un processus appelé « aphérèse ». Exemptes d’infection, les cellules ont été cultivées et réinjectées dans mon corps dans le cadre d’une autogreffe de cellules souches. J’ai reçu une forte dose de chimiothérapie la veille de la greffe pour assurer que mon corps était débarrassé des cellules cancéreuses. Ce fut un tournant majeur dans ma vie. Mon immunité a ni plus ni moins été effacée pour laisser place à de nouvelles cellules souches qui me permettraient de recouvrir une immunité. 

Après la procédure, plusieurs défis se sont présentés. J’ai dû rétablir mon immunité, ce qui n’a pas été facile – il n’y avait pas de solution miracle. De plus, comme le myélome avait atteint certaines parties de ma colonne vertébrale, j’ai dû consulter un spécialiste en orthopédie qui m’a recommandé une intervention chirurgicale.


L’opération a finalement eu lieu cinq mois plus tard, en mars 2017.

Comme j’ai toujours besoin d’être occupé, la nécessité d’arrêter de travailler en mars 2016 a été très difficile pour moi. J’étais déterminé à ce que le cancer ne m’empêche pas de reprendre le travail, alors en janvier 2017, j’ai repris quelques jours par semaine. J’avais encore de nombreux rendez-vous médicaux, je subissais plusieurs examens, je ne pouvais pas rester assis ou debout pendant de longues heures et je luttais encore contre les effets secondaires des médicaments que je prenais.

Mes petits-enfants et moi, ainsi que ma femme Yinka

Sans ma femme Yinka, les choses auraient pu être très différentes. Je suis tellement privilégié qu’elle se soit occupée de moi, même lorsque je dormais! 


J’aimerais aussi remercier ma communauté, la communauté nigériane dans son ensemble, l’église Beddington Pentecostal, mon directeur de l’information, mon patron et mes collègues de travail, un grand nombre de pasteurs à Calgary et au Canada, divers groupes de prière, les Alhajis, ainsi que ma famille et mes amis pour leur soutien, leurs prières et pour avoir apporté de la nourriture et d’autres articles qui nous ont aidés tout au long de notre parcours.


Ma femme continue de me soutenir dans les bons et les mauvais moments. Nous pensons qu’il est très important de s’associer à sa communauté. Personne ne peut vivre complètement isolé. 

En 2017, alors que j’étais encore en convalescence, Yinka et moi avons écrit ensemble un livre intitulé Second Chance: Surviving the Battles of Cancer (Survivre à la lutte contre le cancer [traduction libre]). Nous voulions documenter nos expériences communes en tant que patient noir atteint d’un cancer et proche aidante, partager notre parcours et fournir des conseils et des lignes directrices à d’autres personnes qui font face à leur propre parcours contre le cancer. 

Malheureusement, dans notre communauté, personne ne parle vraiment du cancer. Nous espérons changer cela. 

Yinka et moi en pleine promotion du groupe de soutien 

African Cancer Support Group

Mon expérience en tant que patient atteint d’un cancer a laissé une trace indélébile dans ma vie. Il m’a été difficile de trouver les ressources et l'information dont j’avais besoin pour mener à bien mon parcours de patient noir. 


Yinka s’est juré que dès que j’irais mieux, elle s’y attaquerait et fournirait aux autres personnes atteintes d’un cancer ou d’une autre maladie chronique au sein de notre communauté les ressources et le soutien dont elles ont besoin.

C’est ainsi qu’est né l’African Cancer Support Group (ACSG) en 2018.

Lorsque j’ai eu mon diagnostic, j’aurais aimé trouver un lieu où j’aurais pu échanger avec des survivants noirs du cancer. Je ne voyais personne d’origine africaine ayant survécu au cancer à qui je pouvais parler, car personne ne parlait ouvertement du cancer.


C’est pourquoi nous avons fondé l’ACSG, pour déstigmatiser le cancer chez les Canadiens noirs et pour sensibiliser plus de gens à la survie des personnes atteintes d’un cancer.

Yinka, notre fils et moi-même avons ensuite créé La Fondation Oladele


La Fondation est devenue le principal moyen par lequel nous rejoignons et servons d’autres Africains, Caribéens et Canadiens noirs qui font face au cancer et à d’autres défis de la vie. 

Yinka et moi en entrevue

Nous avons officiellement lancé la Fondation en tant qu’organisme à but non lucratif le 3 juin 2023, après cinq ans d’activités, afin de financer nos activités.


Yinka et moi sommes fiers de nous associer à Myélome Canada pour contribuer à nos missions mutuelles de sensibilisation au cancer et rejoindre un plus grand nombre de Canadiens noirs afin de favoriser des diagnostics précoces. 

Lancement de la Fondation Oladele, juin 2023

En étant plus lucide, en prenant au sérieux chaque signe et symptôme, en agissant dès les premiers stades, et en suivant des processus médicaux établis et scientifiquement éprouvés, j’espère que certains cancers seront bientôt rétrogradés au rang de maladies chroniques non terminales. 


J’espère également que ce témoignage contribuera à informer davantage les communautés noires canadiennes au sujet du cancer et à dissiper certains mythes. 

Nous devons mettre fin à la stigmatisation associée au diagnostic d’un cancer dans la communauté noire et parler ouvertement de nos expériences. 

Moi avec Yinka (gauche), Zandra (centre) et Ola (droite)

Le fait de s’ouvrir, de partager et d’apprendre les uns des autres peut sauver des vies.



Ce n’est pas de votre faute si vous avez un cancer.


Nous avons besoin de sensibiliser plus de gens et nous devons nous encourager les uns les autres à dire que le cancer n’a rien de honteux… et que Dieu continue de guérir et faire des miracles.

 

Cordialement,

Bayo Oladele

Note du rédacteur: Pour trouver un groupe de soutien dans votre région, ou pour savoir comment en créer un,cliquez iciou communiquez avec Michelle Oana, directrice du développement et relations communautaires àmoana@myelome.ca.

Nous espérons que vous apprécierez rencontrer nos étoiles de la rubrique « Pleins feux » en 2023 et les autres membres de la communauté de Myélome Canada. La rubrique « Pleins feux » de notre infolettre « Manchettes Myélome » présente le témoignage et les réflexions de membres de notre communauté, qu’ils soient patients, proches aidants ou professionnels de la santé. Les opinions exprimées et partagées sont celles de la personne qui s’exprime. Nous reconnaissons que le parcours et l’expérience de chacun sont différents. 


À vous tous qui avez partagé votre témoignage par le passé, ainsi qu’à ceux qui le font encore aujourd’hui, nous vous sommes reconnaissants… vous êtes une source d’inspiration.  


Si vous souhaitez partager votre expérience dans une prochaine édition de « Manchettes Myélome », veuillez nous écrire à contact@myelome.ca.

Pour faire un don à Myélome Canada,

visitez le www.myelome.ca ou appelez sans frais au 1-888-798-5771.

Donnez ici

Suivez-nous sur les médias sociaux pour obtenir les nouvelles les plus actuelles

Facebook  Twitter  Instagram  Linkedin  Youtube  

If you prefer to receive English communications, please contact us at contact@myeloma.ca.

Mission de Myélome Canada : Dans le but d’améliorer la qualité de vie des patients et de leurs proches, l’organisme favorise l’engagement communautaire à travers différentes actions de sensibilisation, d’éducation, et de défense des droits, tout en appuyant le développement de la recherche clinique qui mènera à la guérison.