Pleins feux sur Erin et Jean Guy
Belzile : une perspective rurale
Mars 2022
« Vivre dans une petite communauté te donne l’impression d’être isolé, de ne pas avoir de choix, de ne pas avoir droit à un deuxième avis ou aux meilleurs soins accessibles. Lorsque mon mari a reçu le diagnostic d’un myélome, quelques gaffes successives ont failli lui coûter la vie. Nous avons eu du mal à obtenir les rendez-vous pour des procédures essentielles et nous avons dû parcourir des centaines de kilomètres et changer de centre de traitement pour bénéficier de l’approbation du médicament que nous voulions. Ces déplacements sont difficiles et dispendieux, mais avions-nous vraiment le choix? » – Erin et Jean Guy
Voici un résumé de notre histoire...

Mon mari Jean Guy a été chef des services médicaux d’urgence pendant 20 ans dans le district de Nipissing, en Ontario, là où nous habitons. Quant à moi, j’ai passé 35 ans à travailler aux urgences comme infirmière autorisée. Lorsque Jean Guy a pris sa retraite en août 2019, à l’âge de 62 ans, il avait hâte de commencer à profiter pleinement de sa liberté retrouvée. Il y a tellement de choses que nous avions prévu faire à la retraite!
 
A 62 ans, trois mois seulement après le début de sa retraite, il a commencé à souffrir de maux de dos. En janvier, au début de la pandémie, ses douleurs avaient tellement empiré qu’il devait rester au lit.
Jean Guy, mars 2019
C’était la pire combinaison : être confiné chez soi et négligé en termes de soins pendant que le monde essayait de faire face à la pandémie. Ses douleurs allaient amener un lot de problèmes graves.
C’est comme ça que JG a passé plusieurs mois de la pandémie à souffrir de douleurs aiguës en prenant de grandes quantités de narcotiques, sans pouvoir passer d’examen adéquat.
En mars, après trois mois d’alitement, Jean Guy a fait une crise cardiaque, suivie de six pneumonies, qui l’ont toutes amené à être hospitalisé. À ce moment-là, il n’avait pas encore reçu son diagnostic.

C’était un réel cauchemar qui nous a donné l’impression d’être abandonnés par le système de santé. J’appelle cette période « le trou noir de la Covid ». La Covid était la seule chose qui semblait préoccuper la planète, et si vous étiez malade, les gens pensaient que vous étiez infecté par le virus et ils vous évitaient encore plus.

Finalement en août, Jean Guy s’est rendu plusieurs fois à l’urgence pour des douleurs thoraciques soudaines et aléatoires, aiguës et lancinantes. On lui a fait passer des radiographies, on lui a dit que c’était « juste une inflammation » et on l’a renvoyé chez lui.
Nous avons découvert par la suite que ces radiographies montraient plusieurs côtes fracturées. Mais en raison de ce que j’appelle « l’effet Covid », nous n’en avons jamais été informés et nous n’avons appris l’existence de ces fractures qu’après le diagnostic de son myélome, trois mois plus tard, en novembre.

En septembre, Jean Guy a également commencé à avoir des maux de tête soudains et aigus qui le faisaient tomber à genoux. Plusieurs fois, il s’est rendu à l’urgence et a consulté son médecin de famille, sans toutefois recevoir de diagnostic. À cause de la pandémie, je n’avais pas accès aux soins dont il avait besoin.
En octobre, Jean Guy présentait des signes neurologiques importants et flagrants. Il s’est réveillé avec une déviation de la langue, des troubles de l’élocution et un affaissement du visage. Quand je l’ai amené à l’urgence, on lui a finalement fait passer une TDM et une IRM. C’est là qu’on lui a annoncé, alors qu’il était seul dans une pièce isolée, qu’il avait un cancer et une tumeur à la base du crâne. À ce moment-là, nous ne savions pas de quel type de cancer il s’agissait. C’était inacceptable qu’il se retrouve complètement seul après avoir appris cette nouvelle dévastatrice qui allait changer nos vies.

Lorsque nous avons rencontré son médecin de famille, nous avons entendu les mots « myélome multiple » pour la première fois.
Lors d'une de ses nombreuses visites aux urgences.
Une gaffe après l’autre...
Cinq ans avant tout cela, mon mari avait dû se rendre à l’hôpital. Trois disques s’étaient soudainement rompus dans sa colonne. Par la suite, il a découvert qu’il souffrait d’une discopathie dégénérative étendue dans la colonne cervicale. Il avait des douleurs à la hanche et on ne savait pas pourquoi. Avec le recul, nous pensons tous les deux que c’était probablement lié au myélome. Cinq années se seront donc écoulées et il aura fallu qu’il en arrive à ne plus pouvoir parler à cause d’un œdème cérébral dû à une tumeur dans le clivus (cou/base du crâne) pour recevoir son diagnostic!

C’est vraiment choquant qu’il ait fallu autant de temps pour que son myélome soit diagnostiqué.
Essayer d’obtenir la chimiothérapie comme traitement de première intention, tel que recommandé par les oncologues de Jean Guy, s’est avéré extrêmement anxiogène. J’ai eu beau plaider en faveur de mon mari, nous avons eu beaucoup de difficultés à obtenir les médicaments anticancéreux et les analgésiques qui lui avaient été prescrits.
Grâce à mon expérience comme infirmière aux urgences, j’ai l’habitude de prendre la parole et de défendre les droits et intérêts des patients. Je comprends que pour certains, cela peut être intimidant, alors j’essaie de plaider en leur faveur. Je comprends aussi pourquoi les patients peuvent être réticents ou craindre de s’exprimer, surtout dans une petite communauté rurale où les options de soins sont limitées. C’est une expérience qui peut être très angoissante.

Ironiquement, je dois maintenant assumer ce rôle pour défendre les intérêts mon mari très malade. Cela montre à quel point il est important de pouvoir défendre ses propres droits ou d’avoir quelqu’un qui puisse le faire pour nous.
En attente de son prélèvement de cellules souches.
C’était la veille du Nouvel An 2021, avant sa greffe de cellules souches. Nous avions l'espoir d’une meilleure année à venir.
Au moment où Jean Guy devait recevoir sa greffe à Sudbury, on m’a conseillé de ne pas rester avec la famille, car ils avaient des enfants d’âge scolaire. J’ai pensé rester au Daffodil Lodge, un endroit rattaché au centre de cancérologie et à l’hôpital. C’est un hébergement simple et abordable pour les familles de patients atteints de cancer. Lorsque je suis allée organiser mon séjour, l’espace était fermé et utilisé pour le problème croissant de toxicomanie pendant la pandémie. Le Centre de cancérologie du Nord-Est d’Horizon Santé-Nord m’a offert de rester à l’hôtel voisin à un tarif réduit de 10 %, ce qui revenait à 129 $ la nuit et 3 870 $ pour 30 nuits. Vous imaginez? Qui peut se permettre ça? Et ça ne comprenait même pas la nourriture.
La réduction de 10 % nous a semblé être une insulte, car vivant à North Bay, nous ne sommes qu’à 30 km d’être admissibles à l’aide financière gouvernementale pour l’hébergement. Pourtant, la réalité est que le centre de traitement est à une heure et demie de route dans chaque sens. Il n’est donc pas envisageable pour nous de faire cette distance (aller et retour) quotidiennement en hiver, pendant un mois. Cela aussi a ajouté à l’anxiété que nous vivions.
Jean Guy et moi sommes tous deux retraités et avons un revenu fixe. Nous savons à quel point un diagnostic de cancer est difficile, et encore plus si vous devez continuer à travailler pour subvenir à vos besoins. Nous sommes très chanceux d’avoir une assurance qui couvre le traitement de Jean Guy, sinon nous n’aurions jamais pu payer sa greffe de cellules souches à Sudbury.

Honnêtement, je ne sais pas comment les patients font lorsqu’ils n’ont personne pour défendre leurs intérêts.
L’ordinateur portable est devenu notre connexion au monde.
Dans la plupart des régions rurales, les oncologues s’occupent de plusieurs types de cancers. Pour cette raison, et sans que ce soit leur faute, ils deviennent en quelque sorte des « touche-à-tout et maîtres de rien », à mon avis.

Étant donné que nous vivons dans une ville isolée au nord, nous avons malheureusement connu des situations aliénantes et avons senti que nous ne pourrions bénéficier de l’aide dont nous avions besoin. Nous avons donc pris la décision de consulter un spécialiste du myélome pendant le traitement de mon mari.

La bonne nouvelle est que la pandémie a ouvert l’accès aux régions éloignées aux grands centres de traitement. Les consultations par vidéo ont permis d’accéder à des spécialistes éloignés.
Il y a donc une lueur d’espoir. Nous sommes maintenant rassurés quant aux soins que Jean Guy reçoit.
Je ne saurais trop insister sur l’importance de défendre vos propres droits et intérêts ou ceux d’un proche tout au long de ce parcours commun.
4 des 6 raisons pour lesquelles la vie vaut la peine
d’être vécue !
C’était la première fois que JG voyait sa mère depuis deux ans. Avant qu’il ne la revoie, il a eu des douleurs dorsales débilitantes, une crise cardiaque, six pneumonies, un diagnostic de MM et une greffe de cellules souches. C’était un moment émouvant que nous n’oublierons jamais.
Je vous pose la question : si vous aviez le choix entre amener un être cher chez un oncologue spécialiste du cancer dont il est atteint ou chez un oncologue plus près de chez vous qui traite de nombreux types de cancer, que feriez-vous?Je sais que ce n’est pas toujours aussi simple et que de nombreux facteurs entrent en ligne de compte. Nous avons la chance de pouvoir prendre cette décision.
Je suis de tout cœur avec ceux qui ne le peuvent pas. Mais cela ne signifie pas que vous devez cesser de plaider en faveur du meilleur traitement et des meilleurs soins disponibles dans ce grand pays.
Jean Guy et moi
Je m’en voudrais de ne pas souligner l’énorme soutien offert par Myélome Canada. Je les ai contactés lorsque nous nous sentions perdus et ils m’ont offert d’excellents conseils. Nous ne pourrons jamais les remercier assez pour le travail continu qu’ils font pour les Canadiens atteints d’un myélome multiple.

Aussi, si je devais recommander une autre ressource qui a été, et continue d’être, inestimable, c’est le groupe de soutien à l’intention des patients et des proches aidants de Myélome Canada sur Facebook. Il nous a permis de prendre conscience des nombreuses difficultés que rencontrent d’autres patients en milieu rural.
À mon avis, les patients traités dans les communautés rurales doivent absolument demander un deuxième avis. C’est tout simplement logique et cela ne doit pas être perçu comme un manque de respect envers votre oncologue actuel. Le traitement du myélome est en constante évolution et le traitement de tout cancer est plus efficace lorsqu’il est abordé par une équipe constituée de spécialistes de différentes disciplines.

Si vous habitez dans une région rurale du Canada, sachez que vous avez droit à un accès égal aux soins de santé, peu importe où vous vivez dans notre grand pays.
Merci,
Erin 
Note du rédacteur : Nous espérons que vous apprécierez rencontrer nos étoiles de la rubrique « Pleins feux » en 2022 et les autres membres de la communauté de Myélome Canada. La rubrique « Pleins feux » de notre infolettre « Manchettes Myélome » présente le témoignage et les réflexions de membres de notre communauté, qu’ils soient patients, proches aidants ou professionnels de la santé. Les opinions exprimées et partagées sont celles de la personne qui s’exprime. Nous reconnaissons que le parcours et l’expérience de chacun sont différents. 
 
À vous tous qui avez partagé votre témoignage par le passé, ainsi qu’à ceux qui le font encore aujourd’hui, nous vous sommes reconnaissants… vous êtes une source d’inspiration.  

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