Où en sont les progrès en matière de soins offerts aux patients canadiens?
Par Cindy Manchulenko, gestionnaire des projets d’essais cliniques, Clinical & Systems Transformation, et membre du conseil du Réseau de recherche de Myélome Canada
J’ai récemment été invitée, en tant qu’infirmière autorisée, à participer à la réunion annuelle de l’International Myeloma Foundation Nurse Leadership Board (NLB) tenue à Dallas, au Texas. L’événement a connu une forte participation avec seize infirmières provenant des plus grands centres de cancérologie des États-Unis, pour la plupart des infirmières en pratique avancée (infirmières praticiennes, titulaires de maîtrise et titulaires de doctorat). J’ai eu l’honneur d’y représenter le Canada en tant qu’affiliée internationale aux côtés d’un membre australien. La réunion a donné lieu à quelques thèmes intéressants, tels que la prise de décision partagée et la toxicité financière.
La prise de décision partagée est un sujet important qui est de plus en plus reconnu par les professionnels de la santé. Une meilleure compréhension par le patient de sa maladie et des traitements offerts contribue à sa responsabilisation. Le patient qui a un sentiment de responsabilité sera plus enclin à prendre sa santé en main, à adopter un meilleur mode de vie (exercice physique et saine alimentation) et à se soumettre à des schémas thérapeutiques plus complexes. La responsabilisation amène également le patient à endosser le rôle de capitaine de l’équipe aux côtés des professionnels de la santé, plutôt que de se sentir exclu de l’équipe, isolé et impuissant. Selon mon expérience, un patient responsable est un patient résilient, et la résilience est essentielle pour affronter les expériences tumultueuses du myélome.

La toxicité financière est un sujet intéressant dont la signification diffère au Canada et aux États-Unis. Mes collègues américains et moi-même avons donc bénéficié d’une expérience enrichissante en la matière. Aux États-Unis, certains patients qui ne sont pas couverts par une assurance maladie doivent choisir entre payer leur facture d’électricité ou s’offrir quelques mois de traitement de leur myélome. De nombreux patients, même en bénéficiant d’une assurance maladie, n’ont d’autre choix que de réhypothéquer leur maison pour supporter le coût des traitements. Mais même cette option ne s’offre qu’aux patients qui possèdent réellement une maison, ce qui est loin d’être le cas pour tous. Mais alors, que font ces patients? Ils meurent. Prendre connaissance de cette triste réalité m’a grandement choquée et bouleversée. Au Canada, je n’ai connu que quelques patients qui ont dû réhypothéquer leur maison, mais il s’agissait principalement de patients en milieu rural ayant besoin de financer l’aidant naturel qui les accompagnerait tout au long du processus de greffe, ce qui n’existe qu’à Vancouver (pour les patients de la Colombie-Britannique et du Yukon). Tous les patients canadiens reçoivent un traitement quelconque, bien qu’il puisse varier d’une province à l’autre en fonction des agents approuvés par Santé Canada aux fins de remboursement.
Cindy Manchulenko (centre) avec les participants de la réunion annuelle de l’International Myeloma Foundation Nurse Leadership Board (NLB)
La principale toxicité financière que je constate actuellement au Canada est l’augmentation du coût des nouveaux agents et schémas thérapeutiques associant plusieurs médicaments. Le système de santé étant déjà confronté à une crise financière, cette augmentation ne fait que contribuer à l’alourdissement du fardeau assumé par le système de santé public. Certains médicaments sont maintenant rejetés par les comités d’évaluation des médicaments ou d'évaluation des technologies de la santé (PPEA au Canada, INESSS au Québec) en raison d’un rapport coût-efficacité jugé non satisfaisant. Cela s’est produit pour la première fois à la fin de 2016 avec le daratumumab (Darzalex®) à la suite d’une recommandation négative du PPEA (par la suite soumis à une réévaluation ayant abouti à une recommandation positive). Même chose pour l’ixazomib (Ninlaro®), dont la recommandation a été rejetée ce printemps. Quant au carfilzomib (Kyprolis®), bien qu’il ait bien bénéficié d’une recommandation positive il y a plus d’un an, il n’est toujours pas remboursé par les provinces. Privés de la possibilité d’utiliser ces médicaments susceptibles de prolonger la vie, nos patients canadiens verront bientôt leur taux de survie globale descendre en deçà de celui de nos voisins américains.
Voici quelques solutions abordées au cours de la réunion :
  1. Favoriser l’implication des travailleurs sociaux auprès des patients nouvellement diagnostiqués pour s’assurer que toutes les ressources disponibles sont utilisées, et réévaluées lorsque nécessaire.
  2. Demander aux patients de partager les renseignements au sujet de l’assurance en vertu de laquelle ils sont couverts. Même au Canada, les assurances maladie complémentaires rembourseront généralement une part supplémentaire du coût de certains médicaments.
  3. Avoir voix au chapitre dans la représentation des patients canadiens, un droit essentiel pour l’approbation des futurs médicaments. Je suis fière de Myélome Canada qui prend des initiatives et qui joue un rôle de premier plan dans la promotion des médicaments en soumettant des sondages auprès des patients pour toutes les approbations passant par le PPEA.

Bien que ces solutions puissent aider, elles ne seront pas suffisantes et d’autres stratégies devront être mises en œuvre. Et pourquoi ne pas réduire les coûts de la recherche? Cela permettrait aux entreprises pharmaceutiques de réduire leurs dépenses. Mais comment mettre une telle mesure en œuvre? Tout d’abord, en ayant davantage recours aux technologies (tenir des webinaires plutôt que de payer tous ces vols pour des réunions un peu partout dans le monde). Ensuite, et plus important encore, les chercheurs qui travaillent sur des projets similaires devraient collaborer pour en dégager une meilleure rentabilité. Fait intéressant, lorsque j’ai abordé ce point à la réunion, de nombreuses infirmières se sont mises rire, me disant « bonne chance, les pharmacologues ont l’égo trop gros pour travailler ensemble ». Ce à quoi j’ai répondu : « nous avons pourtant démontré que c’était possible avec le Réseau de recherche de Myélome Canada ». Félicitations à notre équipe canadienne qui influence la recherche sur le myélome à l’échelle internationale et qui nous montre que, lorsque nous travaillons ensemble, tout est possible.

Pour en savoir davantage sur Myélome Canada et le Réseau de recherche de Myélome Canada, consultez le www.myelome.ca.