UN APPERÇUE DES ÉPREUVES TRAVERSÉES PAR
S TEVE HOMEWOOD
Un patient atteint d'un myélome depuis plus de 12 ans 
Tout au long de notre vie, nous sommes confrontés à des défis, mais rien, d'après moi, ne se rapproche des multiples défis inhérents à la lutte contre le cancer. J'ai reçu un diagnostic de myélome multiple à l'automne de 2004. Un cancer du sang complexe, incurable, mais traitable. Non seulement cette maladie présente-t-elle différents aspects, mais chacun de ces aspects peut affecter chaque patient à divers degrés.

J'ai connu mon premier défi le jour de mon diagnostic :

Au cours d'un voyage d'affaires dans l'Ouest canadien à la fin de 2003, j'ai décidé de passer une journée ou deux à skier dans l'arrière-pays (au Delirium Dive qui fait partie de la station de ski Sunshine). Avant d'accepter un déménagement professionnel à Toronto, nous vivions à Calgary, et, en tant que fervent skieur, je connais très bien la
région, et heureusement. En effet, un jour où je skiais dans l'arrière-pays, je me suis coincé le dos et ma bonne connaissance de la région m'a permis de parcourir des kilomètres sans perdre mon chemin dans des conditions de neige soufflée par le vent. Après plusieurs heures, et après avoir presque vidé la bouteille d'ibuprofène, je suis finalement arrivé à la station de ski et je n'allais pas rentrer à Toronto tout de suite. Je pensais être en santé, j'étais plutôt jeune (54 ans à l'époque) et en assez bonne forme; je croyais m'être déchiré des muscles. Je me suis soigné et j'ai traité mes blessures, mais avec très peu de succès.

Après plusieurs mois et après avoir essayé divers traitements, j'ai suivi les conseils d'un thérapeute du sport, j'ai passé une IRM (le récit des derniers mois de traitement est une autre histoire que je veux bien partager avec quiconque voudra l'entendre). Durant l'IRM, on m'a dit qu'en effet, j'avais des problèmes de dos, ainsi que deux vertèbres cassées. J'ai demandé ce qui pouvait causer une telle cassure (remarquez que c'était plusieurs mois après l'incident de ski dans l'Ouest). On m'a dit que, même s'il ne « s'agissait pas d'un diagnostic », il était possible que mes blessures « soient imputables » à un myélome multiple. Je suis retourné chez moi et ai fait des recherches... j'ai alors fait ma première expérience du Docteur Google.

Mon prochain défi a été d'essayer de comprendre ce cancer hématologique très complexe :

Je pense pouvoir affirmer sans me tromper que la majorité des personnes qui lisent ce texte sont confrontées au myélome et savent que c'est un cancer des plasmocytes. C'est un cancer très complexe et je sympathise avec vous si vous vous sentez quelque peu dépassés à essayer de comprendre cette maladie! Ça fait plus de 12 ans que j'essaie de comprendre : médecins, conférences, séances de groupe, forums, symposiums, forums éducatifs, congrès, plusieurs sites Internet, et franchement, je ne le comprends pas « encore vraiment », imaginez maintenant si je comprends les options de traitement. Il est très frustrant pour moi de savoir qu'une maladie est en train de me tuer et ne pas savoir, non seulement comment elle s'est développée, mais quelle serait la meilleure façon de composer avec elle. J'aimerais vous dire qu'avec le temps, j'ai appris à accepter la maladie et à vivre avec cette dernière, mais ce n'est simplement pas le cas. Quoique je ne fasse pas autant de recherches qu'auparavant, je n'arrête jamais d'essayer de comprendre. Je soupçonne que c'est la même chose pour la plupart des patients atteints d'un myélome.
 
Je classe les défis de mon traitement en deux parties : la partie mentale/ psychologique, et la partie physique.

Les défis psychologiques :

Je crois fermement que les défis psychologiques de cette maladie et des traitements qui en découlent se sont avérés plus exigeants que les défis physiques. Les soins eux-mêmes peuvent représenter un grand défi. J'ai très peu de patience pour ce que je perçois être des commentaires insipides et condescendants au sujet de ma santé et des traitements de la maladie, y compris lorsqu'ils proviennent de professionnels de la santé et d'amis. J'ai reçu les résultats officiels de ma première IRM d'une omnipraticienne qui remplaçait mon médecin, parti en vacances. Je pouvais percevoir sa nervosité et son malaise. Il n'est pas facile d'annoncer au patient une telle nouvelle. Après m'avoir fourni des renseignements de base, elle a ajouté : « si vous devez avoir un cancer, celui-ci est certainement le meilleur ». J'ai arrêté d'écouter à ce moment-là. Je suis certain qu'elle m'a parlé des prochaines étapes, des traitements offerts, etc., mais tout ce que j'ai retenu, c'est que je devrais me sentir mieux parce que j'aurais pu avoir un cancer pire que celui-ci. Je lui ai dit « Mais quel genre de commentaire me servez-vous? Il n'y a absolument aucune sorte de bon cancer! » Je n'avais pas fini de parler que je me sentais déjà mal de ce que je venais de dire. Il y avait deux raisons pour lesquelles je me sentais mal. La première est que je l'avais évidemment blessée. Son message m'avait blessé, je m'étais donc senti justifié de la blesser en retour, même si elle n'y était pour rien. La deuxième raison m'a fait un peu peur. J'ai réalisé qu'elle n'en connaissait pas beaucoup sur cette maladie.

Les défis psychologiques de cette maladie sur vous, votre famille, vos aidants naturels, vos amis et collègues de travail sont énormes. Votre vie change du tout au tout. Il m'a semblé que j'avais besoin d'au moins autant d'aide au niveau psychologique, sinon plus, qu'au niveau physique. J'ai trouvé extrêmement difficile de savoir qu'à ce moment-là, les prestataires de soins ne comprenaient pas vraiment la maladie. Depuis, j'ai été extrêmement chanceux de recevoir des soins constants et exceptionnels à l'hôpital Princess Margaret et au Centre de cancérologie Juravinski.

Les patients atteints d'un myélome et moi-même sommes confrontés à une autre souffrance morale, celle de savoir que la maladie est incurable. C'est un défi continu que de vivre dans la peur constante de l'avenir. Mon plus grand défi psychologique est de vivre avec la maladie. Je me rappelle et je chéris les jours où je n'avais pas à y penser. Cependant, la maladie se tapit dans les coins et il n'en faut pas beaucoup pour me rappeler sa présence.

Le coût et l'achat des médicaments ainsi que les choix de traitement représentent également un défi. Même si je crois personnellement aux soins de santé gratuits et tout particulièrement au système de soins du Canada, l'accès aux traitements nouveaux et innovateurs peut s'avérer lent et fastidieux, et faire un choix parmi ceux-ci, difficile. L'éducation et les groupes de défense des droits sont les réponses les plus évidentes à court terme. Je participe à ces derniers, mais je dois surmonter un dilemme personnel. Mon implication me rappelle ma maladie, et je voudrais vraiment l'oublier. Peu importe dans quelle mesure j'essaie de me convaincre de « me secouer » ou à quel point il n'est pas réaliste de vouloir l'oublier, il n'en demeure pas moins que les effets psychologiques délétères liés à l'aspect « incurable » de la maladie jouent pour beaucoup.

Plusieurs patients atteints d'un myélome sont confrontés à des problèmes financiers. Certains d'entre eux se demandent comment ils paieront leur loyer mensuel, et d'autres, comme moi, se demandent comment réussir à payer les 22 000 $ US par mois nécessaires pour avoir accès à des médicaments qui ne sont pas encore offerts au Canada. D'une certaine façon, j'ai été très chanceux d'avoir « contracté » cette maladie sur le tard (54 ans); j'étais alors proche de la fin de ma vie professionnelle. J'ai travaillé au début, lors de mon premier schéma thérapeutique, mais j'ai trouvé l'expérience extrêmement difficile et je ne peux pas imaginer comment je pourrais réussir à conjuguer une vie professionnelle et des traitements, même pour un court moment. Heureusement, nous avions économisé un peu d'argent et, puisque mon épouse continue à travailler, nous nous en tirons bien. Je dirais que, quoique nous ne soyons pas riches, nous ne sommes pas dans le besoin non plus. Dans ce pays, personne ne devrait être forcé de composer avec un stress financier supplémentaire tout en étant aux prises avec un myélome, ou avec toute autre affection mortelle en fait.  

En dernier lieu, je m'en voudrais de ne pas écrire sur ce que j'appelle « l'épuisement psychologique » du myélome et d'autres cancers. Pour je ne sais trop quelle raison, j'ai remarqué que mon acuité mentale et ma confiance se désintégraient. Avec le temps, j'ai perdu confiance en moi au point où je ne suis maintenant plus sûr de rien. Connaître les bienfaits d'une attitude positive et pouvoir garder cette attitude sont deux choses bien différentes. En fait, il y a plusieurs options et plusieurs groupes de soutien pour aider les patients à composer avec les divers aspects de la maladie liés à la santé mentale. Je travaille avec un groupe local de soutien aux patients atteints d'un myélome. Je crois que les échanges avec d'autres patients et aidants naturels aux prises avec les mêmes problèmes sont très réconfortants. Il y a aussi des organisations de patients, comme Myélome Canada et Myeloma Beacon, qui sont également d'une grande aide. De plus, il y a des endroits comme Wellspring offrant divers programmes pour aider les patients atteints de cancer à mieux vivre avec l'épuisement psychologique découlant de la maladie. Cette organisation offre aux patients et aux aidants naturels un endroit où aller se réfugier. J'ai terminé plusieurs
programmes au Wellspring, je les ai trouvés éducatifs et ils m'ont beaucoup aidé.

Chacun a sa propre façon de composer avec les défis psychologiques de cette maladie. Pour moi, c'était notre bateau. Quand je suis près du bateau, sur le bateau, sur l'eau, je me détends et je suis capable de prendre du recul, plus qu'avec toute autre activité.

Les défis physiques :

Au cours des douze dernières années de traitements et de rechutes, j'ai fait l'expérience de la plupart des options de traitement offertes actuellement au Canada, sans compter les nouveaux essais cliniques. J'aimerais mentionner que plusieurs des médicaments que j'ai reçus l'ont été par le biais d'essais cliniques. 
Les voici :
  • V.A.D. : vincristine (Oncovin®), Adriamycin® (doxorubicin), Decadron® (dexaméthasone) 
  • pamidronate
  • Greffes autologues de cellules souches (deux fois, à 10 ans d'intervalle)
  • lénalidomide (Revlimid®) et pomalidomide (Pomalyst®)
  • cyclophosphamide
  • bortézomib (Velcade®)
  • Radiation
  • corticoïdes (dexaméthasone et prednisone) 
  • carfilzomib (Krypolis®)
  • Spondyloplastie expansive
Chez moi, tous ces traitements ont connu un certain taux de succès en me permettant de garder la maîtrise de ma maladie. Certains traitements sont très efficaces, d'autres moins. Je me rappelle souvent un commentaire que j'ai entendu au sujet de l'injection de produits chimiques dans notre organisme : il n'y a rien de gratuit. En fait, on nous informe sans cesse sur les effets « secondaires » de divers composés et groupes de composés. Je préfère penser à ceux-ci comme étant simplement des « effets » de la prise d'un médicament. Je ne vois pas comment le fait qu'ils soient « secondaires » a quelque chose à voir. Puisque nous recherchons absolument les effets positifs des médicaments qui maîtrisent la maladie, nous devons également composer avec les effets négatifs, ces effets que nous aimons qualifier de « tolérables ».

Les effets des médicaments varient pour chaque individu. Même si on peut voir plusieurs similitudes dans ces effets, ils comportent également de nombreuses différences. Personnellement, j'ai eu des effets facilement tolérables, d'autres difficiles à tolérer, et certains m'ont presque tué. Ce fut tout un parcours, et je pense que ce n'est pas encore fini (il ne faut jamais abandonner!).

Il peut sembler pour les personnes récemment diagnostiquées que la science se concentre davantage sur la maîtrise du cancer que sur sa guérison. Cependant, nous devons nous rappeler que le développement et la fabrication d'un médicament sont de nature commerciale et que ce commerce nous a donné beaucoup, beaucoup de nouveaux choix de traitements qui n'étaient pas offerts il y a quelques années à peine. Franchement, je ne pense pas que je serais en vie si ce n'était des nouveaux médicaments en développement. Bon, je pense que je me suis assez servi de ma tribune, mais je suis plus que disposé à partager mon expérience personnelle de tous les traitements mentionnés ci-dessus.

Laissez-moi terminer en vous parlant des défis que les aidants naturels doivent relever. Je dis souvent que la seule chose qui est pire que d'avoir le cancer est de vivre avec quelqu'un souffrant d'un cancer. Vivre avec les effets des traitements, et non seulement les effets de la maladie, peut être vraiment terrifiant. Esquiver les écueils quotidiens de la maladie, les effets physiques des traitements, les problèmes financiers, familiaux et personnels, tout ça en essayant souvent de travailler à temps plein, met sur les épaules des aidants naturels un fardeau et un stress inimaginables. Je ne sais vraiment pas comment ils font pour traverser ces épreuves.

J'aimerais surtout remercier mon épouse, mais également toutes les autres personnes, professionnels et amis, qui ont contribué à rendre positifs les soins que je reçois.

Je sais que cela se poursuivra.

Steve Homewood, novembre 2016

Pour me contacter ou mon épouse, vous pouvez nous rejoindre par courriel à : homewoodstevejan@gmail.com    
 
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