Embargo jusqu'à mardi 31 mai 2016, 6 h HE
Ottawa,
mardi 31 mai 2016
Lettre ouverte
à l'intention des parlementaires de la part de la communauté pancanadienne à la défense des droits des personnes handicapées demandant
« d'adopter le projet de loi C-14 afin de garantir les droits constitutionnels des personnes vulnérables »
Chers députés et sénateurs,
Lorsque la Cour suprême du Canada a légalisé l'euthanasie et le suicide assisté par un médecin en février 2015, il a aussi été déclaré que des mesures de sauvegarde devaient être conçues pour protéger les personnes vulnérables des dangers.
Aujourd'hui, les Canadiens et Canadiennes qui ont des incapacités et qui s'expriment par l'intermédiaire de nos organisations pancanadiennes et avec le soutien de nos défenseurs, sur la base de plusieurs décennies de recherche, d'analyse et de débat politique, demandent aux députés de s'assurer que les mesures de sauvegarde minimales contenues dans le projet de loi C-14 soient adoptées d'ici le 6 juin.
En tant que Canadiens, nous parlons d'une profonde conviction de la nécessité de mesures de sauvegarde robustes pour protéger les personnes vulnérables. Beaucoup trop de Canadiens sont vulnérables, en particulier ceux ayant des incapacités. Plusieurs d'entre nous luttent pour accéder à un soutien et des services de base, ainsi que participer aux décisions qui affectent nos vies. De façon pernicieuse, les rappels calmes et persistants que nos besoins sont lourds et coûteux nous rendent vulnérables. À la base, il s'y trouve l'idée insidieuse que nos incapacités sont trop onéreuses pour la société et nos familles, et même pour nous-mêmes. C'est pourquoi un système d'aide médicale à mourir sans mesures de sauvegarde robustes mettra en péril les vies des Canadiens et Canadiennes vulnérables.
La menace posée par l'incitation est réelle. La recherche internationale montre que les personnes vulnérables sont confrontées à davantage de pression, notamment :
1) la contrainte par des personnes qui sont incapables ou qui refusent de répondre aux besoins de prestation de soins ;
2) le désespoir résultant de l'autostigmatisation et des stéréotypes négatifs à propos de sa condition ;
3) la perception faussée de sa condition et des options disponibles, à la suite de problèmes de santé mentale ;
4) la pression psychologique résultant d'interactions avec les professionnels de la santé ; et,
5) le manque d'accès à un soutien et des informations nécessaires sur des options alternatives.
Bien que le projet de loi C-14 ne protège pas pleinement de tous les risques d'erreur et d'abus qui découlent de ces réalités, il reconnaît que ceux-ci existent et que des mesures de sauvegarde sont essentielles pour protéger la vie des Canadiens et Canadiennes vulnérables.
Le projet de loi C-14 s'engage également à étudier les questions en suspens concernant les directives anticipées, les mineurs matures et les personnes dont la seule condition sous-jacente est liée à des problèmes de santé mentale. Malgré cet engagement, certains soutiennent que l'accès pour ces motifs doit être inclus dès maintenant dans ce premier cadre législatif fédéral. Nous ne sommes pas de cet avis. Le projet de loi C-14 n'élimine pas les enjeux mentionnés ci-dessus. Il indique que ceux-ci requièrent une étude et un dialogue plus approfondis. Compte tenu des risques que ces enjeux soulèvent à l'égard des personnes vulnérables, nous croyons que le projet de loi C-14 représente une approche plus prudente qu'un vide législatif.
Bien entendu, certains ont également suggéré qu'il n'y aura pas de véritable risque si le Parlement ne parvient pas à agir maintenant. Nous sommes en net désaccord avec cet avis. Les Canadiens et Canadiennes qui chercheront l'aide médicale à mourir devront faire face à des règles différentes et les professionnels de la santé auront des lignes directrices différentes en fonction de leur province ou de leur territoire.
À l'heure actuelle, seulement cinq provinces ont adopté des normes relatives au consentement éclairé, et aucune d'entre elles ne nécessite une évaluation de la vulnérabilité liée à une influence indue ou à une incitation à se donner la mort.
Il n'y a qu'une seule façon de protéger les droits constitutionnels des Canadiens et Canadiennes dans un système d'aide médicale à mourir, soit en s'assurant que le Parlement remplit son obligation d'établir un système national de mesures de sauvegarde.
Nous demandons au Parlement de respecter les droits des Canadiens et Canadiennes à l'autonomie et à la protection de la vie. Le projet de loi C-14 n'est pas un projet de loi parfait, mais il comporte au moins des mesures de sauvegarde minimales essentielles qui aident à atteindre cet équilibre.
Il est important de se rappeler que chaque Canadien et Canadienne est potentiellement vulnérable et que tous les Canadiens vulnérables sont à risque d'incitation dans un système sans mesures de sauvegarde suffisantes. Aussi, nous demandons votre soutien pour l'adoption de ce projet de loi important.
Nous vous prions d'agréer nos salutations distinguées.